Introductions : poser le bon cadre juridique dès le départ
Le choix du statut juridique conditionne la vie de votre restaurant.
Il détermine votre niveau de responsabilité, votre protection sociale, le poids des charges, mais aussi la capacité de votre établissement à se développer, accueillir des associés ou des investisseurs. Dans cet article, nous passons en revue les principaux statuts adaptés à la restauration (entreprise individuelle, micro-entreprise, EURL, SARL, SASU, SAS) et les critères concrets pour faire le bon choix dès la création.
En tant que cabinet d’expertise comptable spécialisé dans la restauration, Compta Resto accompagne chaque année de nombreux porteurs de projets dans ce choix structurant, en lien avec leurs conseils juridiques habituels.
Pourquoi le choix du statut est stratégique dans la restauration
Selon une étude publiée en juin 2024, la restauration indépendante en France représente environ 117 000 restaurants pour 42,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023.boursorama.com Dans un secteur aussi concurrentiel, une structure juridique mal choisie peut pénaliser votre rentabilité (charges trop lourdes), limiter votre protection personnelle ou rendre difficiles les futures évolutions (arrivée d’associés, revente, franchise…).
Le « bon » statut n’est pas universel. Il dépend de votre projet de restaurant (taille, concept, investissement), de votre situation personnelle (patrimoine, famille) et de vos ambitions (un seul établissement ou un réseau). L’enjeu est donc de concilier sécurité, fiscalité optimisée et souplesse de développement.
Les grandes familles de statuts possibles pour un restaurant
L’entreprise individuelle et le régime de la micro-entreprise
L’entreprise individuelle (EI) permet de se lancer seul, avec des formalités simples : pas de capital social, pas de statuts à rédiger. Depuis le 15 mai 2022, la loi sépare de plein droit votre patrimoine professionnel de votre patrimoine personnel, ce qui protège mieux vos biens privés (hors cas de faute de gestion).bpifrance-creation.fr
Vous êtes imposé à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des BIC (bénéfices industriels et commerciaux), avec possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés dans certains cas. Côté social, vous relevez du régime des travailleurs non salariés (TNS).
Le cas particulier de la micro-entreprise (auto-entreprise)
La micro-entreprise est une forme « ultra-simplifiée » d’entreprise individuelle. Elle séduit beaucoup de créateurs de petits concepts (snacking, petite salle, food-truck) grâce à des obligations comptables allégées et un calcul simplifié des cotisations.
Pour les activités de restauration (vente de denrées à consommer sur place ou à emporter), le chiffre d’affaires annuel hors taxes ne doit pas dépasser 188 700 € pour bénéficier du régime micro en 2023, 2024 et 2025.economie.gouv.fr Au-delà, vous basculez vers un régime réel avec comptabilité complète. Cette limite doit être intégrée à votre business plan, car un restaurant assis peut atteindre rapidement ces montants.
Avantages principaux de la micro-entreprise :
- Création très rapide et démarches simplifiées
- Calcul des cotisations sociales sur le chiffre d’affaires encaissé
- Idéal pour tester un petit concept avec investissement limité
Limites pour un restaurant :
- Plafond de chiffre d’affaires vite atteignable pour un établissement de taille standard
- Pas de déduction des charges réelles (loyer, achats, salaires…) mais un abattement forfaitaire
- Peu adapté aux projets nécessitant des investissements lourds et des financements bancaires importants
EURL et SARL : la « sécurité » de la responsabilité limitée
L’EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) et la SARL (Société à Responsabilité Limitée) sont des formes de sociétés particulièrement répandues dans la restauration.entreprendre.service-public.gouv.fr
Leur point commun : la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports (hors cautions personnelles ou fautes de gestion). C’est un atout important dans un secteur où les investissements (cuisine, extraction, travaux, droit au bail) peuvent être élevés.
Caractéristiques clés :
- EURL : un seul associé, souvent le chef ou le porteur de projet unique
- SARL : de 2 à 100 associés, adaptée aux couples ou associés co-gérants
- Capital librement fixé (à partir de 1 €), mais il est prudent de prévoir un montant cohérent pour rassurer les banques
- Régime social du gérant majoritaire : TNS (cotisations plus faibles mais protection différente de celle d’un salarié)
- Imposition majoritairement à l’impôt sur les sociétés, avec des options temporaires à l’impôt sur le revenu dans certains cas
SASU et SAS : la souplesse et l’ouverture à des investisseurs
La SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle) et la SAS (Société par Actions Simplifiée) offrent un cadre très souple, souvent privilégié pour les concepts de restauration amenés à se développer (multi-sites, franchise, levée de fonds).entreprendre.service-public.gouv.fr
Points forts :
- Responsabilité limitée aux apports
- Grande liberté statutaire pour organiser la gouvernance (rôle des associés, clauses d’entrée/sortie, etc.)
- Président assimilé salarié : protection sociale proche de celle d’un cadre salarié (hors assurance chômage)
- Forme appréciée des investisseurs et des partenaires financiers
En contrepartie, la rédaction des statuts doit être particulièrement soignée et le coût global des charges sociales du dirigeant est généralement plus élevé que dans une EURL/SARL avec gérant TNS, à rémunération nette équivalente.
Les bonnes questions à se poser avant de choisir
1. Vous lancez-vous seul ou à plusieurs ?
Si vous êtes seul, les options principales seront la micro-entreprise, l’EI au réel, l’EURL ou la SASU. Le choix dépendra surtout du niveau de risque, des besoins de financement et de votre stratégie de rémunération. Si vous êtes plusieurs (couple, famille, associés investisseurs), des formes sociétales comme la SARL ou la SAS s’imposent souvent pour encadrer les relations, la répartition des pouvoirs et les modalités de sortie.
2. Quel niveau de protection de votre patrimoine personnel ?
Depuis 2022, l’entrepreneur individuel bénéficie d’une séparation de ses patrimoines professionnel et personnel, ce qui renforce sa protection sans formalité d’affectation.bpifrance-creation.fr Les sociétés à responsabilité limitée (EURL, SARL, SASU, SAS) isolent également les risques dans la structure, sauf cautions et fautes de gestion. Dans la pratique, les banques exigent souvent des garanties personnelles pour financer les travaux d’un restaurant ; il est donc essentiel d’anticiper cette dimension avec votre expert-comptable et, si besoin, votre avocat.
3. Quel régime social et quel niveau de protection souhaitez-vous ?
Le dirigeant en EI, EURL ou SARL (gérant majoritaire) relève du régime des travailleurs non salariés : charges sociales globalement plus faibles à revenu net identique, mais couverture différente (notamment en matière de retraite et de prévoyance) par rapport au régime général. En SASU/SAS, le président est assimilé salarié : coût social plus élevé mais meilleure protection. Ce choix a un impact direct sur la trésorerie de votre future entreprise et doit être simulé dans le business plan.
4. Souhaitez-vous être imposé à l’IR ou à l’IS ?
En entreprise individuelle ou en société de personnes à l’IR, le bénéfice est imposé directement entre vos mains, même s’il n’est pas intégralement prélevé. À l’inverse, l’impôt sur les sociétés (IS) permet de distinguer la fiscalité du restaurant de celle de votre foyer : seul le bénéfice restant dans la société est imposé à l’IS, vos rémunérations et dividendes étant imposés séparément. Dans la restauration, où les investissements sont importants et la trésorerie parfois tendue, l’IS est souvent privilégié pour mieux lisser la fiscalité et financer le développement.
5. Quels sont vos besoins de financement et vos perspectives de développement ?
Un petit concept avec peu de charges fixes peut supporter une structure simple (micro-entreprise, EI au réel, EURL). En revanche, un restaurant gastronomique, un établissement avec une grosse équipe ou un projet de réseau de plusieurs adresses aura intérêt à se structurer en société (SARL ou SAS). Les investisseurs et certains partenaires financiers privilégient clairement la SAS/SASU pour sa souplesse (pactes d’associés, levées de fonds, franchise…). En résumé : plus votre projet est ambitieux et scalable, plus une structure sociétale robuste sera adaptée.
Comparatif des principaux statuts pour un restaurant
Tableau comparatif des formes juridiques courantes en restauration
| Statut | Nombre d’associés | Responsabilité | Régime social du dirigeant | Fiscalité par défaut | Points forts pour un restaurant | Points de vigilance |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Micro-entreprise (EI) | 1 | Individuelle avec séparation patrimoines | TNS | IR (micro-BIC) | Démarrage ultra simple, idéal pour tester un petit concept, faible administratif | Plafond de CA (188 700 € pour la restauration), pas de déduction des charges réelles, peu crédible pour gros financements |
| EI au réel | 1 | Individuelle avec séparation patrimoines | TNS | IR (réel) | Souplesse, comptabilité complète avec déduction des charges, formalisme limité | Responsabilité personnelle en pratique (cautions), fiscalité directement sur le foyer |
| EURL | 1 | Limitée aux apports | Gérant associé : TNS | IS (option IR possible) | Statut très répandu en restauration, bonne lisibilité pour les banques, optimisation possible de la rémunération | Moins souple qu’une SAS pour faire entrer de nouveaux associés, rédaction des statuts à soigner |
| SARL | 2 à 100 | Limitée aux apports | Gérant majoritaire : TNS | IS (option IR temporaire possible) | Cadre protecteur, adapté aux couples et petites associations, image rassurante pour les partenaires | Moins flexible qu’une SAS, attention aux situations de blocage (associés 50/50) |
| SASU | 1 | Limitée aux apports | Président assimilé salarié | IS | Statut valorisé par les investisseurs, forte souplesse, bonne protection sociale du dirigeant | Charges sociales généralement plus élevées, nécessité de statuts bien rédigés |
| SAS | ≥ 2 | Limitée aux apports | Président assimilé salarié | IS | Idéale pour projets de développement (multi-sites, franchise), gouvernance sur-mesure, entrée/sortie d’associés facilitée | Complexité juridique plus importante, coût du formalisme et de la protection sociale du dirigeant |
Scénarios concrets : quel statut selon votre projet de restaurant ?
Petit concept ou projet test : micro-entreprise ou EI au réel
Vous lancez un comptoir de street-food, un food-truck ou une petite sandwicherie avec un investissement limité et un chiffre d’affaires prévisionnel modéré ? La micro-entreprise peut être un tremplin, à condition de bien surveiller le plafond de 188 700 € HT applicable aux activités de restauration.economie.gouv.fr Si votre business plan montre un potentiel de chiffre d’affaires proche de ce seuil ou des charges importantes (loyer, salaires), une EI au réel ou une petite EURL seront souvent plus adaptées pour déduire les frais réels.
Restaurant traditionnel avec équipe en salle et en cuisine
Pour un restaurant assis avec équipe de cuisine structurée, personnel de salle, réservation en ligne, etc., les montants investis (droits au bail, travaux, matériel) et la masse salariale rendent la micro-entreprise risquée et souvent inadaptée. Les formes les plus fréquentes sont l’EURL/SARL (logique « artisan-commerçant ») ou la SASU/SAS si vous visez un développement ultérieur. L’arbitrage se fait principalement entre coût des charges sociales du dirigeant, crédibilité vis-à-vis des partenaires financiers et souplesse pour accueillir de futurs associés.
Concept ambitieux, multi-sites ou projet de franchise : viser la SAS/SASU
Si vous construisez un concept scalable (burgers gourmets, fast-casual, dark kitchen, restauration thématique) avec l’objectif d’ouvrir plusieurs adresses ou de développer une franchise, la SAS/SASU est souvent le socle le plus adapté. Sa souplesse statutaire facilite l’entrée d’investisseurs, la mise en place d’actions de préférence, de pactes d’associés ou de filiales par établissement. De nombreux groupes de restauration structurent ainsi leur développement, en combinant parfois plusieurs sociétés (exploitation, immobilier, détention de la marque) pour optimiser le montage.
Erreurs fréquentes à éviter lors du choix du statut
- Choisir la micro-entreprise « par défaut » sans vérifier que votre prévisionnel reste durablement sous les plafonds et sans mesurer l’impact de l’absence de déduction des charges réelles.
- Sous-estimer le coût social du dirigeant en SAS/SASU ou, à l’inverse, la protection plus limitée en TNS (EURL/SARL) sans souscrire de complémentaires adaptées.
- Se mettre à plusieurs en 50/50 dans une SARL ou une SAS sans clauses de sortie ou de règlement des conflits, au risque de paralysie en cas de désaccord.
- Négliger l’avenir : un statut peut sembler suffisant au lancement, mais se révéler contraignant pour ouvrir un second établissement ou accueillir un nouvel associé.
- Avancer sans accompagnement alors que le coût d’un mauvais choix (fiscal, social, juridique) se chiffre souvent en dizaines de milliers d’euros sur quelques années.
Ressources officielles utiles pour affiner votre choix
Pour sécuriser vos décisions, il est recommandé de croiser les informations avec des sources officielles :
- Le portail officiel Entreprendre.service-public.fr pour un panorama détaillé des formes juridiques (EI, EURL, SARL, SASU, SAS…).entreprendre.service-public.gouv.fr
- Le site Bpifrance Création pour des fiches pratiques sur le choix du statut et la préparation du business plan.bpifrance-creation.fr
- Les pages du ministère de l’Économie sur la micro-entreprise et ses plafonds, à jour des seuils de chiffre d’affaires et des règles de sortie du régime.economie.gouv.fr
Questions fréquentes sur le choix du statut juridique d’un restaurant
Quel est le meilleur statut pour ouvrir un petit restaurant ou un snack ?
Pour un petit restaurant, un snack ou un food-truck avec des investissements limités, la micro-entreprise peut être une option de démarrage, à condition que le chiffre d’affaires prévisionnel reste largement en dessous du plafond de 188 700 € HT applicable à la restauration.economie.gouv.fr Toutefois, si vous avez un loyer élevé, du personnel et des achats importants, une EI au réel, une EURL ou une SASU seront souvent plus adaptées : vous pourrez déduire vos charges réelles, mieux piloter votre résultat et rassurer les banques avec une structure plus « professionnelle ».
Micro-entreprise ou société (EURL, SASU) pour un restaurant : comment trancher ?
La micro-entreprise est intéressante pour tester un concept avec peu de charges fixes et un volume d’activité modéré. Les formalités et la gestion y sont allégées. En revanche, pour un véritable restaurant avec salle, équipe salariée et investissements importants, une société (EURL/SASU) est souvent préférable. Elle permet de séparer clairement votre patrimoine personnel, d’optimiser la fiscalité (IS) et de préparer l’entrée future d’associés. Le choix doit se faire sur la base d’un business plan chiffré, en comparant plusieurs scénarios avec un professionnel.
Faut-il privilégier la SARL ou la SAS pour un restaurant à plusieurs associés ?
La SARL offre un cadre juridique plus encadré et rassurant, adapté aux associés opérationnels (par exemple un couple de gérants). Le gérant majoritaire est TNS, ce qui permet de maîtriser le coût des charges sociales. La SAS, plus souple, est en revanche prisée lorsque des investisseurs sont prévus, ou lorsque l’on veut organiser précisément la gouvernance (pacte d’associés, clauses de sortie…). Le choix dépend donc de la relation entre associés, du niveau de financement recherché et de la stratégie de développement (un seul établissement ou un réseau).
Peut-on changer de statut juridique après l’ouverture du restaurant ?
Oui, il est tout à fait possible d’évoluer : passer d’une micro-entreprise à une EI au réel, transformer une entreprise individuelle en société, ou encore changer de forme sociale (par exemple d’EURL en SASU).entreprendre.service-public.gouv.fr Ces opérations ont toutefois des incidences fiscales, sociales et parfois juridiques (plus-values, droits d’enregistrement, nouveaux statuts, etc.). Elles doivent être préparées avec soin, idéalement en amont d’une forte croissance ou d’une levée de fonds, avec l’appui d’un expert-comptable et, si besoin, d’un avocat.
Quel statut choisir si je veux ouvrir plusieurs restaurants à terme ?
Si vous visez à terme plusieurs établissements, la SAS/SASU est souvent le socle le plus pertinent, car elle facilite la création de filiales par établissement, l’entrée d’investisseurs et la mise en place d’une éventuelle franchise. Vous pouvez par exemple créer une société qui détient la marque et la stratégie, et des sociétés d’exploitation pour chaque restaurant. Ce type de montage doit être pensé dès le premier projet, afin d’éviter des restructurations coûteuses par la suite et de rassurer banques et partenaires.
Et maintenant ?
Le choix du statut juridique d’un restaurant ne se résume pas à cocher une case sur un formulaire : il doit être aligné avec votre projet, vos chiffres, vos risques et vos ambitions. L’équipe de Compta Resto, cabinet d’experts-comptables dédié aux métiers de la restauration, peut vous aider à bâtir un business plan solide, simuler plusieurs montages (EI, EURL, SARL, SASU, SAS) et sécuriser les impacts comptables, fiscaux et sociaux.
Pour découvrir l’étendue de notre accompagnement (création, gestion comptable et sociale, outils de pilotage), rendez-vous sur notre page Nos services pour les restaurateurs. Vous avez déjà un projet concret d’ouverture ou de reprise ? Demandez un échange personnalisé via notre formulaire de devis : nous vous aiderons à choisir, en toute sérénité, le statut le plus adapté à votre futur restaurant.



